Annie Salager, extraits de Terra nostra
Mangeurs de parallèles qui vous élancez
porteurs de feu, les vifs, les lointains,
en rebroussant l’air de vos bousculades
je vous interpelle de ma fenêtre
comme si vous pouviez m’entendre
quand vous vous exilez dans le futur et laissez voir,
martinets christophores, la lumière à la nuit
sous la trame du temps percée de votre cri.
Je vous cherche aussitôt que revient la saison
traversée de vos signes
vos accélérations aux brèves familiarités
Le temps ne retient pas ses épreuves,
il en change, tandis que vous filez
ailleurs, quelques secondes à peine,
migrateurs, dévoreurs de mémoire, de lieux,
surrection du vif dans l’impalpable
fous de ciel au mouvement précipité
venus des fonds du ciel.
Sirènes de l’air
dynamite fuselée
corps enclos corps ouvert
corps d’ailes
plongés dans l’allégresse
d’un pur vol fugué
d’une seule poursuite
projectiles d’ailleurs
boucles toujours plus hautes
stylets à dégonfler le temps
que je sais obscurcir la chambre,
je vous salue de loin,
de ma fenêtre.
Peuple du ciel aux cris pointus
montagnes retournées
pour le plaisir d’être et de n’être
pas
là-haut dans les norias l’espace migre
plus bas il se déchire, plus bas
où la soie craque dans les lueurs roussies.
On voyage à plusieurs très haut, très
vite,
monnaies lancées dans des fontaines par poignées
entre les plombs tirés par les chasseurs
on voyage depuis les creux du ciel
en prenant du velours en altitude
au cours d’épidémies de vitesse
tout étonnés de vivre si fort un instant,
plus rapides d’une seconde que le néant.