Remerciements de Ferenc Rakoczy aux élèves de Pierre Perrin

Ferenc Rákóczy aux élèves du lycée de Salins-les-Bains

D’abord toutes mes excuses : voilà de longs mois que je cherche à vous écrire sans en trouver jamais le temps : j’ai été pris à la gorge par mes obligations professionnelles et familiales. De plus, il se trouve que je ne suis pas très féru d’informatique, de sorte que j’ai été obligé de me tourner vers une secrétaire qui travaille dans notre service pour vous adresser ce mail. Avec ça, je suis en retard pour tout, et même pour l’amitié quelquefois, ma gratitude ne sait, hélas ! s’exprimer autrement que par des silences qui se prolongent... Pourtant, ce n’est pas que je vous ai oubliés, ni votre accueil ! Comment cela aurait-il été possible ? Chaque matin, je me demandais comment vous dire merci pour toute la gentillesse que vous avez déployée à mon égard lors de mon passage dans votre école. Je vous ai trouvés intéressants, libres, charmants, dynamiques, parfaits d’enthousiasme et de franchise. J’ai été très frappé par votre sensibilité à la vie et à ses moindres frémissements, tels qu’ils s’expriment dans l’amitié ou dans l’amour. Je ne peux bien-sûr que vous donner raison : c’est cette chaleur, électrique et bienfaisante, qu’il s’agit de débusquer, ce à quoi le poète s’emploie à travers les images, à l’instar du botaniste qui suit les digressions de la nature dans les pages de son herbier. Les feuilles qu’on observe à la loupe, les fleurs, se doutent-elles seulement des secrets qu’elles nous livrent ? Nous sommes tous poètes lorsque nous cheminons à la recherche du vrai et d’un ordre plus haut, lorsque nous promenons notre curiosité sur les talus, dans les vergers et les bois mystérieux du langage. Par le rapport que les images tissent entre les choses, elles contribuent à nous sortir de notre solitude, elles transmettent de la patience et de l’espoir dans un quotidien où le monde hasarde chaque jour ses chances du meilleur et du pire. Car tel est le pouvoir transfigurateur des vocables qu’ils peuvent tout sauver, les mots étant capables de cerner dans leurs larges filets toute parcelle de réalité. N’oubliez jamais que lorsqu’on se permet de vivre dans l’imagination, celle-ci, qu’on le veuille ou non, recompose et recolore notre univers, qu’elle aura tôt fait d’animer d’un rythme originel, comme dans un tableau de peintre. C’est là tout le bonheur que je vous souhaite.

Note : D’origine suisse par sa mère, hongroise par son père, Ferenc Rákóczy est né à Bâle en 1967. Il a grandi dans le Jura suisse, où il a ses attaches. Après un baccalauréat effectué à Porrentruy, il a commencé une licence en lettres rapidement abandonnée pour se consacrer à la médecine. Il obtient un doctorat de médecine à Berne puis suit une formation postgraduée dans différents établissements hospitaliers de Suisse romande en vue d’obtenir un titre de psychiatre et de psychothérapeute. Il est également l’auteur de compostions musicales organistiques et chorales. Sa profession de psychiatre le soumet à d’autres énigmes. Le mystère n’est pas ce qu’on ne peut comprendre mais ce qu’on n’a jamais fini de comprendre. L’écriture peut tout drainer : les deuils, les blessures et leurs mystères. Elle y accroche ce qui la saisit du dehors et ce sont parfois de courtes beautés. Il a postfacé la réédition de l’ouvrage Les Autobiographies de Brunon Pomposo de Charles-Albert Cingria, pour les éditions l’Âge d’homme, en 1997. Ses deux recueils de poèmes, Les Hospices rhénans et Kiosque à chimères sont également publiés à l’Âge d’Homme.

Réponse de Ferenc Rákóczy aux élèves du lycée Victor Considérant, 2003


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